Thursday, April 14, 2011

La justice pénale : un élément crucial pour une transition réussie

Les intervenants parlent de justice criminelle et
détermination de responsabilité.
La session sur la justice pénale a débuté par la présentation de Naziha Boudhib, avocate tunisienne, qui a analysé l'expérience du monde arabe en matière de justice pénale.

Deux exemples distincts ont émergé dans cette analyse – le Haut Tribunal Pénal Irakien, et les dossiers en cours en Tunisie et en Egypte suite aux deux révolutions qui ont eu lieu.

L'expérience irakienne est un exemple de justice transitionnelle, a déclaré Boudhib, mais le fait qu'elle ait eu lieu sous occupation étrangère et a été entachée par des violations de procédure signifiait qu'elle ne répondait pas aux normes internationales de procès équitable.

Aujourd'hui, nous avons de nouvelles expériences résultant des révolutions qui se sont produites en Tunisie et en Egypte. L'importance de ces cas réside dans le fait qu'il n'y a pas d'intervention étrangère, et sont plutôt le résultat d'un mouvement entièrement national, ce qui leur donne ainsi une grande valeur.

La réaction du corps judiciaire s’est faite lente, mais l'opinion publique a fait pression pour que le processus d’investigation soit entamé. Le déclencheur décisif s’est produit suite à l’initiative de 25 avocats qui ont rempli des dépôts pour entreprendre des procédures judiciaires à l’encontre d’anciens responsables gouvernementaux et les chefs du parti au pouvoir.

La justice pénale souffre de l'inefficacité des procédures, maintient Boudhib, ce qui suscite des accusations de justice sélective contre certains membres du pouvoir judiciaire. Toutefois, la société civile et le public plus large continuera d'être vigilant et à observer de près les actions du pouvoir judiciaire, a t- elle conclu.

Luc Côté, consultant senior à ICTJ, a souligné qu'il n'ya pas de conflit entre le droit pénal traditionnel et la justice transitionnelle.

Dans son exposé, il a examiné les difficultés rencontrées lors des processus de justice pénale dans des contextes en transition. En effet, cela comprend un grand nombre d'auteurs et de victimes, les limites des procès criminels pour assurer une indemnisation adéquate, et la complexité de ces cas.

Ces facteurs soulignent l'importance d’autres mécanismes de justice transitionnelle, conclut Côté.

David Tolbert, président de l'ICTJ, a quant à lui souligné l'importance de traduire devant la justice les dirigeants qui avaient pour responsabilité de faire maintenir la loi.

Les cas comme celui de Ceausescu, qui a été sommairement exécuté pendant la révolution en Roumanie, ou le procès de Saddam Hussein, illustrent l'importance d'une procédure règlementaire et de la suprématie du droit, a déclaré Tolbert.

Le Statut de Rome, du Tribunal Pénal International (TPI), est cet avenir qui est de traduire les dirigeants en justice s’ils sont responsables pour des crimes graves. La ratification du TPI par la Tunisie est un symbole prodigieux de la révolution, a-t-il ajouté.

Toutefois, il est important de noter que le Statut de Rome ne se réfère pas seulement au TPI, mais aussi à tout un système qui cherche à faire face à ces crimes pour lesquels l'Etat est essentiellement responsable de leur enquête et de leur poursuite.

D'autres tribunaux pourraient offrir de meilleurs modèles pour l'avenir et non seulement pour les crimes contre l'humanité, mais aussi pour les crimes de corruption et les crimes organisés. La Cour d'État de la Bosnie-Herzégovine en est un exemple, en tant qu’institution Bosniaque fonctionnement en vertu de la loi nationale, mais avec l’assistance de juges et procureurs internationaux.

Il est clair que la justice pénale est un pilier pour toute transition réussie et qu'il doit y avoir une stratégie mise en place par la magistrature et les corps d'enquête, en ce qui concerne ces cas complexes.

La discussion qui s’en est suivie a surtout mis le point sur l'urgence d’amener des réformes au système judiciaire tunisien. Il y a eu plusieurs commentaires qui faisaient porter le blâme de l'inefficacité du système judiciaire sur l’influence politique ; alors que de leur côté, des juristes et avocats ont répliqué que de telles affirmations provenaient d’un manque de compréhension du fonctionnement du système et d’attentes irréalistes. Il a été convenu que le système judiciaire tunisien doit être réformé et réadapté, y compris les organes d'enquête et de poursuites, notamment parce que l’opinion publique a des doutes sérieux quant à son indépendance.

La possibilité de créer des tribunaux spéciaux en Tunisie et la nécessité d'une plus grande transparence et un débat éclairé sur la réforme du système judiciaire ont également été discutées.

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