Friday, April 15, 2011

Les Commissions de vérité comme instruments de justice : les défis pour la Tunisie

Tawfik Bouderbla, Président de la Commission
d’investigation des abus et violations produits
lors des derniers événements en Tunisie.
Tawfik Bouderbla, Président de la Commission d’investigation des abus et violations produits lors des derniers événements en Tunisie, a ouvert la séance en décrivant le mandat et le processus de nomination des membres de la commission qu'il dirige.

Il a expliqué que depuis le 4 mars, la Commission a reçu plus de 700 plaintes relatives à des violations de droits de l’homme, y compris 106 tués, 641 blessés et le reste des plaintes relatifs au dommage de biens. Sur la base de ces informations, les procureurs de Kasrin ont entendu des centaines de témoins à ce jour, et un nombre de mandats d'arrêt ont déjà été émis.



"Nous ne délivrerons pas de sentences, mais nous faisons des enquêtes et donc le travail de juges d'instruction," a expliqué Bouderbla. La Commission élaborera un rapport complet pour documenter les événements avant et pendant la révolution, ainsi que l’identification des victimes et des responsables. Bouderbla a plaidé pour que le système judiciaire puisse opérer afin de mettre un terme à l'impunité en Tunisie.

Priscilla Hayner, Haut conseiller, Centre du Dialogue Humanitaire, a présenté l'expérience de l'Argentine, où l'une des premières actions du gouvernement civil mis en place après le régime répressif de la junte militaire, était d'établir une commission de vérité.

Les résultats de cette commission ont directement informé les programmes de réparations mis en place pour les victimes, résultant en un programme de 3 milliards de dollars américains. Vingt ans après que la commission ait achevé ses travaux, les lois d'amnistie ont été abrogées et des centaines de personnes sont en train d’être poursuivies en justice pour des crimes documentés dans le rapport de la commission.

Hayner a expliqué que les commissions de vérité sont généralement créées afin d'examiner le contexte plus large dans lequel les violations ont eu lieu, pour raconter l'histoire du pays et sont généralement complémentaires aux poursuites judiciaires contre les auteurs.

Pour conclure, elle a souligné que le succès des commissions de vérité dépend des personnes qui président la commission, de sa pleine indépendance de toute influence politique et des ressources adéquates pour son bon fonctionnement.

Howard Varney, consultant senior à l’ICTJ, a abordé la relation entre les commissions de vérité et la justice pénale.

Varney a discuté de l'approche intégrée où les deux mécanismes sont mis en œuvre simultanément, souvent d’une manière complémentaire et dans une relation symbiotique.

Le timing est l'une des premières questions à examiner, affirme Varney. De telles initiatives sont susceptibles d'attirer plus de support politique et financier peu de temps après la cessation du conflit.

À la fin de son exposé, Varney a souligné que les commissions de vérité doivent examiner les questions liées à la corruption et la criminalité économique lorsqu'ils sont au cœur de la violence et liées aux causes de conflit.

Varney a conclu qu'il serait tout à fait inapproprié pour une commission de vérité d'offrir une clémence ou une amnistie pour les crimes de cupidité, même si cela implique la restitution des de fonds volés.

Istvan Rev, professeur d'histoire et de sciences politiques au Central European University a présenté la perspective du travail d'historien quant à l'examen d'événements passés, d'un point de vue objectif sans préjudice, et conclu qu’il est parfois nécessaire de vivre avec une vérité historique et une vérité juridique simultanément.

Rev a insisté sur le rôle crucial de documenter le passé et des archives dans ce contexte. L'intégrité des documents doit être préservée pour le bien historique des événements, affirme Rev.

Rev a conclu en soulignant la distinction de récits formés par les historiens et ceux construits par les artistes, journalistes et autres, vu que les historiens doivent établir les faits qui peuvent être vérifiés et revérifiés en dehors de toute logique des événements. Cela donne aux historiens un rôle décisif dans la création individuelle et collective des traces du passé.

La discussion qui a suivi a porté en grande partie sur les questions entourant les travaux de la Commission tunisienne dirigé par Bouderbla, en particulier les types de violations elle doit examiner, les critères de nomination des membres, les méthodes de collecte de faits et les moyens d'assurer les ressources pour son travail.

En réponse aux nombreuses questions, Bouderbla a cherché à rassurer le public de la légitimité du processus de nomination de la commission, et a plaidé pour le soutien et la coopération avec la commission qu'il dirige. À la fin de la session, un échange a eu lieu entre Bouderbla et un membre de la presse portant sur l'accès à l'information des travaux de la commission.

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